Raymond MITAINE, à qui nous avons demandé de se présenter, n'a pas jugé bon de nous livrer d'autre témoignage sur son histoire d'artiste que ce bref fragment autobiographique, en rapport direct avec le sujet de ce livre.
" Mon besoin d'atelier a peut-être son germe dans le grand fournil de mon père. C'était l'antithèse absolue d'un fournil de boulanger, tel qu'on le concevait traditionnellement dans les villes ; puisque la plupart du temps les boulangers travaillaient en sous-sol, dans des caves où le jour ne pénétrait que par des soupiraux. Mon père, adorateur du soleil, ne pouvait envisager de passer dans la nuit les douze heures de son jour de labeur ; il dota donc d'une façade vitrée son laboratoire à pain, qu'il voulut complètement aérien, puisque la farine était entreposée dans les combles, d'où elle tombait en quelque sorte dans le pétrin et sur un grand plateau, appelé " tour " ; il y modelait la pâte comme un potier tourne ses pots, et il le faisait, grâce aux fenêtres hautes, en lumière naturelle. Il n'est donc pas étonnant que mon idée du bonheur habite un atelier et prenne la forme artisanale de la peinture. Mon actuel atelier contient un poêle à bois, dont les bonnes odeurs me rappellent celles qu'exhalait le four de boulanger de mon père : le séchage de la charbonnette sous la voûte de briques réfractaires – encore chaudes de la cuisson du pain – embaumait l'atmosphère du fournil. Dans mon atelier d'aujourd'hui, l'essence de térébenthine sublime exotiquement la rémanence olfactive de cet environnement chéri. "
Il a écrit et illustré Mon père en hiver à l'Atelier des Noyers, recueil poétique publié en 2024.
